Comment faire germer des graines de Cycas et autres cycadales

La graine : morphologie et physiologie

La graine de Cycadales est composée de plusieurs couches distinctes : en son centre elle contient l’embryon qui est entouré de ce qu’on appelle l’endotesta qui constitue les réserves à partir desquelles va se développer l’embryon puis la plantule pendant ses premiers stades de vie. Les réserves sont entourées d’une enveloppe rigide protective appelée le sclerotesta. Cette enveloppe est elle-même recouverte de ce qu’on appelle le sarcotesta, une enveloppe faisant ressembler la graine à une drupe. Cette enveloppe est généralement colorée (généralement rouge mais parfois jaune ou blanche), probablement pour de la dispersion par des animaux, et de nature gélatineuse ou spongieuse. Il semble que les toxines soient peu présentes voir absente de ce “fruit” afin d’en faciliter la consommation par les animaux disperseur.

Aujourd’hui, les graines de Cycadales sont généralement dispersées par des rongeurs, des oiseaux, des marsupiaux (wallabies) ou par les courants marins pour certaines espèces à graines flottantes. Ces plantes font des graines de grandes dimensions et une des théories avancées est que ces grosses graines étaient adapté à une mégafaune aujourd’hui disparue.

Les graines des Cycadales sont singulières en de nombreux point notamment en ce qui concerne leur développement. En effet, la plupart des graines d’angiospermes se développent et atteignent un stade stationnaire et défini, n’attendant qu’un stimulus externe pour germer et se développer de nouveau. C’est ce qui fait que certaines graines gardent un potentiel de germination de plusieurs décennies voir milliers d’années! Or, pour les Cycadales, c’est un peu différent dans la mesure où, de la pollinisation à la germination, le processus de croissance de l’embryon est continu. Ceci explique pourquoi ces graines ne se conservent que peu de temps et ont besoin d’être semées au bon moment. On appelle ces graines récalcitrantes car on ne peut pas les stocker pendant très longtemps et elles sont sensibles à la deshydratation.

Il faut noter que toutes les graines de Cycadales ne se développent pas à la même vitesse. Ce n’est pas parce que le cône (ou strobilus) est déhiscent que les graines sont prêtes à germer. Il faut donc avoir une idée de la date de récolte des graines ainsi que le temps nécessaire à leur maturation afin d’optimiser les chances de succès dans la germination. Les temps de maturation des graines généralement suggérés sont les suivants:

Bowenia : 1 à 3 mois

Ceratozamia : 3 à 6 mois

Cycas : 0 à 24 mois

Dioon : 0 à 2 mois

Encephalartos : 6 mois

Lepidozamia : 0-6 mois

Macrozamia : 3-12 mois

Microcycas : 0 mois

Stangeria : 1 à 6 mois

Zamia : 0 à 3 mois.

Ces données ne sont valables que pour des graines récoltées à dehiscence du cône et peuvent varier selon les espèces.

Lorsque les graines sont fraichement récoltées et immatures, il suffit de les conserver dans une pièce à température ambiante et les faire tremper 48-72h tous les mois pour qu’elles restent bien hydratées. Si l’humidité atmosphérique est très élevée comme dans certains pays tropicaux, ce trempage n’est pas nécessaire. Il est aussi possible de conserver les graines dans un substrat très légèrement humide comme de la sphaigne ou de la tourbe (blonde ou de coco).

Lorsqu’on achète des graines, il est souvent difficile de savoir dans combien de temps elles seront prêtes à germer. Dans ce cas il est nécessaire d’adopter des techniques de germination adaptées. Parfois, il est plus sage d’attendre quelques mois avant le semis, on a ainsi moins de risque de semer des graines immatures.

Semer des graines immatures les expose pendant plus longtemps à des potentiels champignons pathogènes. Il y a aussi le risque que la graine s’ouvre prématurément et se retrouve encore plus exposée à un risque de pourriture. Pour toutes espèces dont le temps de maturation est élevé, il vaut mieux semer un peu tard que trop tôt, car des graines avec un temps de maturation long ont aussi une capacité de survie plus élevée et ne souffriront pas d’être stockées.

Les graines de Cycadales se conservent peu de temps mais il est tout de même possible de les conserver un certain temps au réfrigérateur à env. 3°C. Après avoir nettoyé ou trempé les graines, il faut bien les sécher puis les mettre dans un sachet plastique hermétique puis le placer dans le bac à légume du réfrigérateur. Il faut juste regarder de temps en temps qu’il n’y a pas de moisissures. J’utilise cette technique et je n’ai pas remarqué de diminution du pouvoir germinatif des graines. Je ne l’emploie pas pour les Zamia tropicaux cependant car je préfère les semer immédiatement. On peut conserver les graines pendant 6-12 mois sans problème avec cette technique.

Cette méthode apporte un gros avantage si vous cultivez en climat tempéré: toutes les graines que j’obtiens après le mois d’août (fin de l’été) sont stockées de cette manière jusqu’au printemps suivant. Comme ça je ne fais rien germer en hiver ce qui m’évite d’avoir des plantules faibles ou des coûts de chauffage des serres trop élevés.

Il faut noter que certaines Cycadales, telles que les Encephalartos produisent des graines complètement développées en l’absence de pollinisation et des fois la pollinisation a été effectuée mais n’a pas fonctionné (par exemple parce que le pollen est trop vieux ou à cause d’une incompatibilité quand on fait des hybrides). Ces graines sont stériles et ne germeront pas. Sur le genre Cycas la graine se fends en deux comme pour une germination normale mais l’endotesta (partie jaune/crème qui constitue les réserves de la graines) gonfle de manière excessive. Des graines de Ceratozamia et Zamia qui se fendent sur la longueur sont généralement signe de stérilité.

Le semis des graines de Cycadales

Si les graines sont encore recouvertes du sarcotesta, il est nécessaire de les nettoyer pour éviter le développement de champignons et supprimer les inhibiteurs de germination. Le nettoyage peut se faire avec un couteau en grattant la pulpe qui est plus ou moins difficile à enlever selon sa texture. Pour des grandes quantités de graines dont la pulpe est de nature gélatineuse (Zamia par exemple), on peut utiliser une enzyme, la pectinase (disponible en magasin de matériel viticole, sert à clarifier les mouts). Il suffit de verser l’enzyme sous forme de poudre dans de l’eau contenant les graines. Il faut garder une température assez élevée pour permettre une activité optimale de l’enzyme. Le temps de nettoyage dépend de la température, du volume d’eau, de la quantité de graines et de la quantité d’enzyme employée.

Pour les grandes quantités de grosses graines on peut utiliser une bétonnière comme on peut le voir sur la vidéo que j’ai créé (toujours faire un premier test sur une petite quantité de graines pour être sur de ne pas les abimer si elles sont trop fragiles)

Pour les petites graines fragiles telles que celles des Zamia , il existe une technique avec perceuse avec une brosse ronde à décaper que vous pouvez voir ici:

Quand les graines sont propres il peut être utile de les faire tremper pendant quelques jours. Cela permet de les réhydrater ce qui est utile lorsqu’elles sont reçues propres et qu’elles ont été stockées.

Certaines graines peuvent avoir tendance à flotter. Cela ne veut pas dire qu’elles ne sont plus bonnes. En effet, la flottaison à la verticale peut traduire l’activité de l’embryon qui, en poussant sur la paroi de la graine, forme une cavité remplie d’air. Si au bout de 24h de trempage, certaines graines n’ont pas coulé, il sera préférable de les semer à part. Ainsi, en cas de pourriture, elles n’iront pas contaminer les graines saines. Attention, des graines qui coulent ne sont pas forcément fertiles car des graines d’Encephalartos non pollinisées seront pleines, donc couleront, mais ne germeront jamais.

Si vous obtenez un lot suffisamment important de graines, il est possible d’en déterminer la fertilité et la maturité en en sacrifiant quelques unes. On procède à une coupe longitudinale qui permettra de d’observer la présence (ou absence) d’embryon ainsi que sa maturité. Attention, une graine très immature n’aura pas d’embryon mais on peut détecter la pollinisation grâce au suspenseur , une structure sous forme de filament enroulé tel un petit ressort.

Un bain de fongicide est un plus car il permet de se débarrasser des spores de champignons présentes sur la graine et susceptibles de la faire pourrir.

Plusieurs méthodes existent pour le semis et il faut garder à l’esprit que les graines de Cycadales ont besoin de deux paramètres pour germer : la température (27-32°C) et l’hygrométrie (70-80%). On peut semer les graines directement en pot mais cette technique prend beaucoup de place et le substrat utilisé peut être vecteur de champignons.

Les deux méthodes principales sont :

Le semis sur lit de substrat minéral : Il s’agit de faire un lit de perlite, sable ou vermiculite stérilisé au préalable qui sera chauffé (avec un câble chauffant par exemple). Le substrat est humidifié mais pas détrempé et les graines sont déposées à l’horizontal. Il est nécessaire de garder une humidité suffisante pour permettre la germination. L’inconvénient de cette méthode est que le substrat n’est pas changé régulièrement et va avoir tendance à stocker les microorganismes pathogènes.

Le semis en sachet : Cette méthode a fait ses preuves parce qu’elle permet un meilleur maintien d’une humidité adéquate. Il suffit de se munir de sachet zip en plastique et de sphaigne, tourbe blonde ou tourbe de coco. Ces substrats sont légèrement acides et ont des propriétés antifongiques.. Il faut premièrement humidifier le substrat ce qui signifie qu’il doit être humide mais pas détrempé. Pour le stériliser, on peut le passer au micro-onde (humidifié) pendant 5min puissance max et l’employer une fois refroidi. Il suffit alors de remplir le sac plastique de substrat, y déposer les graines et le placer dans un endroit chaud. Si le substrat est trop humide, on peut laisser le sachet ouvert le temps qu’il sèche et atteigne le degré d’humidité souhaité. Dans le cas de la sphaigne, elle est suffisamment humide lorsqu’elle n’expulse plus d’eau si on la presse entre ses doigts. Les avantages de cette méthode sont le gain de place, le contrôle de l’humidité et la séparation des différents lots de graines.

Attention, si les graines sont dans un milieu trop humide, elles absorbent de l’eau en excès et risquent d’éclater ce qui les rend plus vulnérables face aux attaques fongiques. Ceci est encore plus vrai pour les graines immatures.

Il suffit alors de contrôler les graines une à deux fois par semaine. Une fois que le germe mesure environs 0,5-3cm de long, la graine est prête à être mise en pot.

Le cas des vieilles graines

Il arrive parfois qu’on retrouve des graines oubliées dans un tiroir ou qu’on obtienne de vieilles graines tombées de la plante il y a plusieurs mois ou encore qu’un vendeur nous envoie des graines récoltées il y a longtemps. D’après mon expérience, avec certaines espèces des genres Dioon et Macrozamia, les graines peuvent être viables mais ne pas avoir assez d’énergie pour germer et meurent dans leur coque. Ce phénomène peut être évité en enlevant le bouchon du micropyle (la petite zone circulaire avec un motif en forme d’étoile ou le germe est sensé sortir) avec précaution avec la pointe d’un couteau. C’est plus facile après avoir réhydraté les graines pendant plusieurs jours pour ramollir un peu la coque. Si les vieilles graines sont toujours vivantes elles germeront rapidement (quelques jours).

Désormais, lorsque je sais que j’ai obtenu des vieilles graines ou alors que des graines a germination généralement rapide ne germent pas, j’applique cette méthode qui m’a été enseignée par Greg Holzman il y a quelques années.

ATTENTION: Ne réservez ce traitement qu’aux vieilles graines, si vous effectuez l’opération sur des graines immatures, vous augmentez encore plus les risque d’attaque fongique car la graine perds la protection de son sclerotesta (la “coque”)

Conseils:

• Lorsque vous achetez des graines, n’achetez que des graines fraîches. En effet, les grainetiers généralistes proposent souvent des graines vieilles et non viables car peu au fait de leurs exigences de conservation.
• Si des graines montrent des signes de moisissure dans leur substrat de germination il est préférable de les retirer pour ne pas contaminer les autres graines saines.
• Des graines de bonne qualité ne pourrissent pas même si elles sont mises trop tôt en germination. Cependant, certaines espèces semblent contenir des endophytes (organismes à l’intérieur de la graine) et même avec un traitement fongicide de surface, elles développent de la pourriture quoi qu’il arrive.