Les bases de la culture des Cycas australiens en climat Européen.

Ecrit par Simon Lavaud

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Tout cultivateur de Cycadales rêve d’avoir un beau spécimen de Cycas bleu tels que cairnsiana, couttsiana ou encore cupida, séduit par ce feuillage azur qui n’a rien à envier aux Encephalartos sud-africains. Cependant, la culture des espèces du genre Cycas d’Australie est délicate pour des raisons que je détaillerais après. Elle reste possible en Europe mais elle est difficile, et la croissance des plantes est lente. C’est pour cela que, malgré des imports de graines réguliers, ces plantes restent rares en culture et peu de cultivateurs Européens peuvent se targuer d’avoir des plantes équivalentes à celles cultivées sous les tropiques où dans l’habitat naturel.

J’aborderais d’abord ces plantes dans leur milieu naturel afin de comprendre leurs conditions de vie ce qui amènera ensuite à quelques informations sur la culture en climat tempéré.

  1. Les Cycas australiens dans leur habitat et données climatiques :

Pour bien comprendre les besoins des Cycas australiens, il faut regarder les données climatiques de leur habitat. Ici, je prends l’exemple de Cycas cairnsiana qui est un des plus populaires, en particulier de la localité de Mount Surprise (Queensland) , une des plus connues. :

Cycas cairnsiana dans son habitat naturel sur le Mount Surprise, photo offerte par Yvonne et Bret Dalziel, 2015.
Source des données : https://www.eldersweather.com.au/climate-history/qld/mount-surprise consulté le 4/02/2021

Sur ce graphique, on peut voir que globalement, les températures sont élevées toute l’année : elles ne descendent jamais en dessous de 10°C et une bonne partie de l’année, les températures diurnes dépassent les 30°C ou s’en approche. On est donc très loin d’un climat méditerranéen ou tempéré. Sous les climats européens, ces conditions de températures sont rarement atteintes plus de 3 mois dans l’année. C’est une des raisons pour lesquelles les Cycas australiens sont très lents.

Un autre aspect à considérer est la pluie : les mois les plus chauds sont les mois les plus pluvieux, alors que les mois les plus frais sont globalement secs, ce qui est a considérer en termes de culture. Les précipitations annuelles sont de l’ordre de 800mm ce qui est assez sec mais pas désertique (à titre de comparaison, Montpellier reçoit environs 750mm et Marseille 600mm). On peut noter qu’en Europe, la courbe de précipitation est inversée : les mois les plus froids sont les plus humides tandis que les mois les plus chauds sont les plus secs, ce qui a des conséquences sur la culture aussi.

Les Cycas originaires du Territoire du Nord sont considérés comme les plus difficiles. Même en climat subtropicaux comme ceux de la Sunshine Coast (Queensland) ils sont très capricieux à l’exception de Cycas angulata qui y pousse très bien d’après Bret Dalziel, un expert en Cycadales australiennes. Ceci s’explique aussi par des particularités climatiques. On peut prendre l’exemple de Katherine dans le Territoire du Nord où pousse le magnifique Cycas calcicola :


Cycas calcicola dans son habitat naturel dans le Litchfield National Park, photo offerte par Yvonne et Bret Dalziel, 2015.

Cycas calcicola en culture au Nong Nooch Tropical Garden (Thailand), Simon Lavaud, 2019.

Source des données : https://www.eldersweather.com.au/climate-history/nt/katherine consulté le 04/02/2021

Ce qu’il faut retenir de la localité où pousse Cycas calcicola, c’est que même si les températures nocturnes peuvent être relativement faibles, autour de 15°C, les diurnes sont très élevées toute l’année et très rarement en dessous de 30°C. On est donc sur un climat globalement très chaud ce qui semble être une des clés pour la réussite de la culture de ces plantes. On notera que comme pour le Mount Surprise, les mois les plus frais sont aussi les plus secs. Les précipitations annuelles dépassent les 1000mm ce qui est assez élevé, par exemple Brest (Bretagne) reçoit environs 1100mm .

Par contre, on peur noter qu’au jardin botanique de Nong Nooch, à Sattahip, en Thailande, les Cycas australiens prospèrent, y compris ceux des Territoires du Nord. D’après un ami expert en Cycas australien, ils y pousseraient encore mieux qu’à Darwin qui est pourtant en Territoire du Nord ! Ceci s’explique par le climat de Sattahip qui est presque constant toute l’année avec des températures comprises entre 25 et 30°C et une saison sèche assez courte (novembre-février).

Magnifique exemplaire de Cycas conferta, en culture à Nong Nooch Tropical Garden (Thailand) Simon Lavaud, 2019

Ce qu’on peut en conclure d’un point de vue climatique,c’est que le secret de la culture optimale des Cycas australien réside dans une absence complète de froid et de l’eau en abondance.

Notes sur le sol : Les Cycas australiens ne semblent pas très sélectifs en ce qui concerne le sol du moment qu’il draine suffisament. Par exemple Cycas calcicola ( littéralement « qui habite sur le calcaire ») pousse autant sur du calcaire que sur des roches basaltiques. Cycas cairnsiana pousse généralement sur des sols très rocheux. Cycas desolata pousse sur des sols sableux.

D’après Bret Dalziel, les espèces du Territoire du Nord telles que Cycas yorkiana tolèrent sans problème la submersion temporaire du sol et certains Cycas poussent proche du lit de rivières temporaires ce qui suggère des épisodes de submersions lors de la saison humide.

Ce qu’il faut en retenir : Les sols sur lesquels ces espèces poussent sont en général drainant, mais elles ont besoin de grandes quantités d’eau, du moment qu’il fait chaud.

2. Bases de la culture en Europe :

Après avoir vu les données climatiques, on peut maintenant s’interroger sur la culture de ces plantes.

On le sait, ces espèces ont besoin de chaleur pour prospérer. Et malheureusement, en dehors d’une serre tropicale, il ne sera pas possible d’obtenir une croissance similaire à l’Australie ou la Thailande en Europe… Mais on peut tout de même réussir à les entretenir tout en ayant une croissance acceptable. Pour cela, il faut optimiser tout ce qui peut l’être.

Le substrat :

Comme on l’a vu, ces plantes semblent assez tolérantes en termes de variétés de substrat du moment qu’il est à forte composante minérale. En culture, on peut les cultiver dans du 100 % minéral comme de la pumice ou d’autres roches volcaniques. L’avantage de ces substrat est qu’ils sèchent rapidement et drainent beaucoup, ce qui permet d’éviter les excès d’eau surtout au printemps et à l’automne lorsqu’il fait frais mais qu’on arrose toujours les plantes. L’inconvénient de ces substrats est qu’ils nécessitent plus d’arrosages que ceux à composante organique lors de la belle saison. Comme on ne peut pas « dé-arroser » une plante trop arrosée, ces substrats minéraux semblent représenter la meilleure solution.

Environnement de culture :

La saison de croissance de ces espèces étant très courte en Europe, il va sans dire qu’une serre (même non chauffée) est un plus. La serre permet d’étendre la saison de croissance et sera même indispensable dans les régions les plus septentrionales pour obtenir un minimum de pousse. Plus les températures seront proches des 30°C de manière régulière, meilleure la croissance sera.

Vu l’habitat des Cycas australiens, il va sans dire qu’il leur faut une forte intensité lumineuse, on leur offrira donc du plein soleil ou l’endroit le plus lumineux possible de la serre. (Note : si vous rentrez vos Cycas à l’intérieur ou en serre pour l’hiver, n’oubliez pas de les acclimater lorsque vous les ressortez au printemps, afin d’éviter des brulures foliaires).

L’arrosage :

Il faut garder à l’esprit que les Cycas australiens ne sont pas des plantes désertiques. Même si le climat dans lequel elles poussent est extrême, elles reçoivent quand même une grande quantité d’eau concentrée sur une période assez courte. Cette eau est indispensable pour obtenir une croissance correcte. Et comme vu dans la partie climat, on ne peut pas compter sur les précipitations estivales vu qu’elles sont souvent rares voir inexistantes selon où on se trouve !


Ainsi, lorsque les températures sont à 18-20°C la nuit et 30°C la journée, on peut arroser généreusement et fréquemment. C’est là que les plantes vont prospérer le plus.

Lorsque les températures descendent en dessous de 20°C il faut réduire les arrosages. Si les nocturnes sont en dessous de 10°C on peut même les stopper complètement. En effet, lorsqu’on arrose un Cycas australien lorsqu’il fait frais, on s’expose à un risque très élevé de pourriture racinaire. Ici, dans la mesure où mes serres sont très peu chauffées, j’arrête l’arrosage de Novembre jusqu’à Mars/Avril. Les plantes le tolèrent parfaitement mais les jeunes plantes peuvent avoir tendance à rentrer en dormance (elles perdent leurs feuilles). Il est évident que cela ralenti la croissance, mais est tout de même préférable par rapport à la mort de la plante.

Si votre climat est suffisamment clément pour garder ces plantes dehors, il faudra bien les protéger des excès d’eau lors des pluies hivernales.

La fertilisation :

Il y a très peu de recul en ce qui concerne la fertilisation des cycadales. Les engrais soit disant spécifiques aux Cycas n’ont jamais été testés de manière scientifique en les comparant avec des formulations non spécifiques du commerce, on peut donc considérer que les propos des vendeurs de ces engrais soit disant spécifiques sont mensongers, sauf s’ils arrivent à fournir une preuve scientifique de la supériorité de leur engrais (ce qui n’est jamais arrivé jusqu’à maintenant).

Les Cycadales semblent bien répondre à l’Osmocote et aux engrais liquides voir une combinaison des deux.

Il est donc nécessaire de s’assurer que les plantes sont suffisamment nourries pendant la période de croissance. Si on utilise un engrais à libération lente, on peut le coupler à un engrais liquide léger appliqué de manière régulière pendant la saison de croissance.

Attention, si vous utilisez un engrais liquide uniquement, il faut effectuer des applications très régulières car les substrats que nous employons sont généralement très pauvres.

Classement des espèces selon leur difficulté :

Ici j’ai tenté d’effectuer une classification basique des différentes espèces (liste non exhaustive) en fonction du niveau de difficulté, elles sont réparties en 3 classes : moyenne, difficile, très difficile

Moyenne :

Cycas media

Cycas megacarpa

Cycas ophiolitica (tolère des conditions un peu plus fraiches)

Cycas silvestris

Difficile :

Cycas angulata

Cycas cairnsiana

Cycas cupida

Cycas desolata

Cycas couttsiana


Bien qu’il vienne du Territoire du Nord, Cycas angulata semble être une exception et de culture plus simple ses cousins de la même région, ici en culture au Nong Nooch Tropical Garden

Très difficiles :

Toutes les espèces du Territoire du Nord sauf C. angulata.

Cycas furfuracea


Cycas furfuracea est l’espèce qui pousse le plus à l’Ouest, on la retrouve uniquement sur le Territoire de l’Ouest, il est extrêmement rare en culture. Ici un specimen en parfaite santé au Nong Nooch Tropical Garden. Simon Lavaud, 2019


Cycas maconochiei est une autre espèce magnifique mais très difficile à cultiver en dehors d’un climat bien spécifique. On peut le voir ici dans son habitat naturel dans le Territoire du Nord. Photos offertes par Yvonne et Bret Dalziel, 2017.

Conclusion et discussion : Je ne donne ici que des bases de la culture de ces espèces, elles ne sont pas exhaustives et largement perfectibles. Néanmoins elles vous permettront de ne pas commettre certaines erreurs que j’ai commises au prix de nombreuses plantes mortes !

Vous cherchez des Cycas bleus australiens  ou d’autres espèces rares ? Alors n’hésitez pas à faire un tour dans la boutique pour voir s’il y en a en stock !

Simon Lavaud

Cycadales.eu

lavaud.simon@gmail.com


Scarabées se nourissant de feuilles émergentes de Cycas cairnsiana en Thailande. Simon Lavaud 2019

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