La conservation du pollen de Cycadales

Par Simon Lavaud

31 octobre 2022

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Introduction :

Les Cycadales étant en grande majorité rares et en danger dans leur habitat, les plantes cultivées jouent un rôle crucial pour la production de graines destinées à l’horticulture. Cependant, le pollen n’est pas toujours disponible au moment où on en a besoin pour des raisons variées : les femelles produisent des cônes aléatoirement et pas toujours la même année que les mâles, chaque plante a son cycle propre et parfois les femelles sont trop en avance sur les mâles etc. Et pour les espèces les plus rares, il est fréquent de n’avoir qu’un nombre réduit d’individus , donc il est utile de conserver le pollen pour pouvoir l’envoyer à quelqu’un qui aurait une femelle en manque de pollen.

On peut aussi noter que la conservation de pollen est très utile pour la création d’hybrides vu que les différentes espèces n’ont pas forcément les mêmes saisons de reproduction.

Le pollen de Cycadales a une durée de vie assez courte dans l’environnement, mais il existe des techniques permettant de le conserver plusieurs années au congélateur. Si les étapes de récolte et de conservation sont bien respectées, ont peut espérer une conservation optimale avec un pollen qui garde une bonne viabilité.

Récolte du pollen :

Il s’agit d’une étape cruciale car elle a un impact direct sur la qualité du pollen. Il faut observer le cône mâle régulièrement afin d’en détecter l’élongation qui indique qu’il va libérer le pollen bientôt.

Cône immature de Cycas sexseminifera, à ce stade, il n’est pas encore prêt à libérer son pollen

(NB : Il est important de bien observer le cône avant qu’il soit mâture, car il arrive fréquemment qu’un cultivateur tombe sur un cône rempli de pollen sans savoir que le pollen a été libéré 2 semaines plus tôt et a perdu toute viabilité, même s’il semble encore « frais »)


Le même cone de Cycas sexseminifera cette fois ci complètement allongé et en train de libérer son pollen, l’élongation s’accompagne parfois d’un changement de couleur.
Cône mâle mature de Zamia pygmaea laissant apparaître les microsporanges jaunes (sacs de pollen)

Lors que le cône commence à s’allonger, on le tapote délicatement tous les jours pour voir si du pollen est libéré.

Lorsque le pollen est libéré en quantité relativement importante, on peut le couper en le tenant par la partie supérieure d’une main et en coupant la base avec une lame tranchante de l’autre, tout en le gardant bien à la verticale pour ne pas perdre le précieux pollen.

Cône mâle de Dioon edule « forme naine » coupé et tenu à la verticale pour ne pas perdre de pollen.

On dépose ensuite le cône sur une feuille de papier dans une pièce sans courant d’air, à température ambiante. On évite les écarts importants de température, surtout la chaleur, car ils peuvent compromettre la viabilité du pollen.

Le cône est déposé sur une feuille de papier, on peut voir qu’une partie du pollen a été libérée.

Le pollen va être libéré sur plusieurs jours, et comme on sait que la viabilité du pollen décroît assez rapidement, il est préférable d’en récolter et traiter un peu tous les jours. Donc de manière quotidienne, on prélève le pollen qu’on place dans une petite enveloppe en papier, avec donc autant d’enveloppes que de jours de récoltes.

De plus, avoir plusieurs petites enveloppes permet d’avoir des « doses » de pollen et donc de ne pas sortir la totalité du pollen du congélateur lorsqu’on en a besoin.

On va donc effectuer des sessions de séchage quotidiennes et ainsi congeler tous les jours de petites quantités de pollen. Plus le temps entre la libération et la congélation est court, plus on optimise la qualité du pollen stocké, tout en respectant les différentes étapes indispensables.


Macrophoto d’un microsporophylle avec ses microsporanges, la plupart étant vide mais certaines sont toujours pleines de pollen

Le séchage :

Pour une conservation optimale, il est indispensable de sécher le pollen afin d’éviter qu’il éclate à cause des cristaux de glace lors de la congélation, mais ne pas trop le déshydrater afin qu’il ne perde pas sa viabilité.

En général, on conseille de sécher à 20-25 % d’humidité ce qu’on peut obtenir assez facilement avec une armoire de séchage destinée aux appareils électroniques. Ici j’utilise une armoire de marque Sirui, de la gamme HC. Vu le volume occupé par le pollen, les modèles de base type HC-40 sont largement suffisants.

Pour le séchage en armoire, moins d’une demi journée est largement suffisant pour sécher le pollen au % voulu, en général on sèche pendant 3-6h.

Le SIRUI HC-40 que j’utiliser pour sécher le pollen, l’écran indique 26 % d’humidité et 25°C.

Pour un séchage ponctuel, il va de soit qu’un particulier n’aura pas besoin d’un matériel aussi sophistiqué et onéreux, c’est pourquoi je vais attacher plus d’importance à la technique low-tech/low-cost de séchage du pollen.

On peut noter que beaucoup de cultivateurs utilisent du gel de silice pour le séchage, ce qui fonctionne pour un certain nombre d’espèces, mais a l’inconvénient de parfois trop sécher le pollen des espèces les plus fragiles. De plus, il n’est pas forcément facile à trouver à l’achat et s’il n’est pas conservé dans des conditions spécifiques, il est difficile de savoir s’il est encore efficace vu qu’il absorbe l’eau de l’air de manière continue.

Une autre technique qui a fait ses preuves auparavant chez moi est l’emploi de riz. Une technique bien connue des maladroits qui ont fait tomber leur téléphone dans l’eau et ont réussi à le sécher en le mettant dans du riz pendant quelques jours…

Une des raisons pour l’emploi de riz est qu’il est séché à 12-14 % lors de sa mise en sachet, donc à priori, on ne risque pas de trop sécher le pollen comparé à la silice et en plus il est très facilement disponible.

Pour ce mode de conservation il vous faut : votre enveloppe en papier contenant le pollen, un récipient hermétique (sachet zip, bocal) et un paquet de riz NEUF. Il est primordial d’utiliser un paquet neuf car des qu’on l’ouvre, il commence à absorber l’humidité et si on utilise un paquet ouvert depuis un moment, l’efficacité sera bien moindre.

Il suffit alors d’ouvrir le paquet de riz, en mettre 100-200g dans le récipient hermétique, déposer l’enveloppe par dessus, refermer le récipient et laisser reposer 12h au frigo (+3/+5°C)

Bien étiqueter le récipient avec nom de l’espèce et date de récolte.

J’ai noté l’efficacité de la conservation au riz pour les genres Cycas, Ceratozamia, Dioon et Zamia (soit via l’obtention de graines fertiles, soit via test de germination du pollen in vitro). On peut noter par exemple du pollen de Ceratozamia kuesteriana toujours viable après 4 ans de congélation (séchage au riz).

Fiole hermétique contenant du pollen de Cycas panzhihuaensis 

La congélation :

Il semble que la température optimale de congélation se situe autour des -30°C et que des températures trop faibles (type azote liquide), provoquent la destruction du pollen. Les congélateurs domestiques ont généralement une température de -18°C ce qui est tout de même suffisant pour une bonne conservation du pollen.

Une fois le séchage terminé, on peut mettre le récipient hermétique contenant riz + pollen dans le congélateur en attendant son utilisation prochaine.

Il y a peu de données sur le temps de conservation du pollen mais on peut donner des durées indicatives, tout en gardant à l’esprit que chaque espèce ne réagit pas pareil :

Cycas, Encephalartos, Dioon : 10-15 ans

Ceratozamia : 2-5 ans

Zamia : 2-3 ans

Pour les autres genres, je n’ai pas encore de données disponibles.

Notes sur les tests de viabilité du pollen :

Il existe aujourd’hui des techniques de germination in vitro du pollen qui permettent d’estimer la viabilité du pollen et donc de réduire les incertitudes lors de la pollinisation. La technique que j’utiliser nécessite peu de matériel mais les résultats des scientifiques l’ayant élaborée n’étant pas encore publiée, je ne peux pas la partager ici.